Devant l’ampleur de la tâche à accomplir, le libraire – même informatisé – est parfois saisi d’une immense fatigue
Ce n’est pas pour me vanter, mais je trouve que l’Histoire accélère de plus en plus vite ces temps-ci, et même qu’elle pousse un peu. Hé, vous sauvez pas ! Vous vous doutez bien que je n’abuserais pas de votre temps avec des considérations oiseuses du style « Noël-est-à-peine-passé-que-c’est-déjà-Pâques-mon-Dieu-c’est-fou-Raymond ». Je sais que vous êtes des gens occupés et que si prenez sur vos précieuses heures de travail pour lire ce texte, c’est dans le but d’être mieux informés donc plus performants.
Je vous ai compris…
Aussi ne parlerai-je pas de mon histoire (encore qu’elle soit passionnante) ni même de la vôtre (franchement, quel intérêt ?) mais de l’Histoire telle qu’elle s’écrit sous nos yeux ébahis à l’instant même où nous la vivons. Vous l’avez compris (ou pas, mais là vous m’inquiétez) on va parler de choses sérieuses, puisqu’on va parler de MUTATIONS TECHNOLOGIQUES.
J’aime bien le terme mutations technologiques, c’est suffisamment vague pour vouloir dire n’importe quoi, ça fait le mec qui sait de quoi il cause et puis cela fout la trouille. Surtout, ça fout la trouille… A moi en tout cas.
Parce qu’à vous qui passez vos journées devant plein d’écrans à taper des trucs importants, cela a pu échapper, mais nous, libraires de quartier, pauvres gueux assis sur les marches de l’empire numérique, on vient de passer un cap. Si, si, je vous assure, même nous. Pour la première fois depuis l’ouverture de la librairie, on a envoyé cette semaine plus d’e-mails que de fax. Je sais, l’info est énorme, mais elle est véridique. Plus rien ne sera comme avant. Oh, on aura encore de bons moments… On continuera à faxer, feuille à feuille, les 30 pages d’un programme de commandes que le destinataire devra ensuite resaisir en entier parce que rien n’est lisible. L’Association (éditeur rebelle) devrait encore quelques temps refuser les code-barres ou en coller de mauvais pour nous faire rire, mais la révolution est en marche, le monde du livre se rationalise. Un jour plus très lointain, vous verrez qu’ILS finiront par informatiser les bons de commande qu’on remet au coursier.
Saletés de ILS… Pour une fois qu’on avait une longueur d’avance, va falloir se remettre au boulot. Imaginez pourtant le chemin parcouru. 1984 : je touche mon premier ordinateur (un Apple IIC marron clair très joli avec ses disquettes souples et ses diodes vertes). 1987 : je commence à apprendre à l’utiliser, et voilà qu’ILS changent les standards, le système ou le foutu nom que porte cette cochonnerie. 20 années de combat s’ensuivent, fait de petites défaites (je branche mon PC acheté aux Etats-Unis directement sur le 220 Volt, devinez ce qu’il arriva) et de grandes victoires (je me connecte à Skype presque sans aide extérieure) pour arriver à ce sommet de la technologie mise au service du livre : l’ouverture en juin 2008 du site buveurs-dencre.com.
Moins de 30 ans séparent ces deux dates, c’est inouï, et du coup, on se met à trembler. Et si l’informatique, c’était comme une drogue ? Vous voyez le truc : on se connecte un jour pour voir, histoire de pas avoir l’air con devant les copains, on se créée même un nimèl pour se donner des frissons et puis c’est l’escalade : on finit par passer ses nuits sur Second Life (vous me reconnaîtrez facilement, je suis PDG de la FNAC je mesure 1 mètre 95, je surfe comme un Dieu et je me fais plein de pognon) et des fois même on finit par ouvrir un BLOG et on se retrouve à taper des chroniques (une par semaine, on va essayer) pleines de pertinence et d’allant auxquelles –c’est dingue- les gens qui les lisent peuvent même répondre. Z’appellent ça l’interactivité et ne nous remerciez pas en fait, on a demandé l’option « sans réponse » mais c’était le même prix .
Cela dit, si vous voulez être certain qu’on vous réponde, vous pouvez aussi nous envoyer un fax…