S comme… SAMEDI

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Le samedi, le libraire prend la vague.


Le week-end, avec son vendredi soir plein d’espoir, son samedi flânerie, et son dimanche reposant… tout être humain normalement constitué adore le week-end, et le samedi en particulier, puisqu’on se ballade, tout est ouvert, il y a du monde ; le dimanche c’est plus triste, enfin surtout si vous avez grandi en province : il gardera toujours un goût d’ennui. Quoiqu’il en soit, le libraire normalement constitué aime aussi le samedi, mais pour d’autres raisons : le samedi, c’est jour compte triple, comme au scrabble. On a bûché toute la semaine à débiter du carton, des offices, des commandes pour quoi ? pour le samedi pardi. C’est le jour phare de la semaine, celui qu’on attend avec impatience pour vider la réserve.

Donc nous, on bosse, pendant que vous, vous êtes censés faire du shopping, consommer, et dilapider la paye de la semaine. Normalement. Parfois vous avez la mauvaise idée de partir en week-end, de faire le pont (maudit mois de mai), ou d’être en vacances, et de nous laisser à notre triste sort. Un truc presque infaillible pour savoir si on va avoir du monde le samedi, c’est l’oracle de la boucherie : s’il y a la queue à la boucherie, on fera le plein aussi à la librairie. Comme quoi la consommation de viande est à pondérer avec les appétits de lecture.

Le truc chouette du samedi, c’est qu’on passe du temps avec vous, chers clients. Pas de montagne de cartons à bipper dans la remise, pas d’office monstrueux à caser sur la table, pas de distributeurs ou de représentants à appeler pour demander ceci ou cela. Non non non le client est roi, les autres jours aussi, mais surtout le samedi.

Les foules ne font tout de même pas la queue devant le rideau à l’ouverture, mais ça commence souvent dès le lever de rideau de fer (on est un peu jaloux de Naturalia pour ça, eux les gens trépignent sur le trottoir en attendant l’ouverture). Avant 14h, les clients sont souvent de jeunes gens invités qui viennent chercher les cadeaux pour goûter d’anniversaire, espérant rafler le titre de meilleur camarade de classe avec le dernier opus des Légendaires. La moyenne d’âge est donc très basse : on peut dénombrer en heure de pointe jusqu’à 3 poussettes dans la librairie + 8 enfants âgés de 6 à 10 ans + 4 adultes oscillant entre l’aîné surexcité par la perspective de ce Saturday afternoon fever, et le cadet boudeur à l’idée d’aller au parc, qui s’en prend donc à la vitrine, et le petit dernier qui dans le meilleur cas babille dans la poussette, dans le pire braille parce qu’il se découvre une allergie à la librairie. Mention spéciale pour ce samedi où trois garçonnets avaient décidé de faire la bataille, pendant que le voisin du dessus se lançait dans l’exploration des capacités de sa nouvelle perceuse, et que le téléphone sonnait à tout-va : la symphonie du samedi en ut.

Une fois le tardif déjeuner consommé, les clients arrivent, par vagues. Une déferlante avec 15 personnes dans la librairie, qui veulent causer, jouer aux devinettes (« il me semble que le livre s’appelle Mes anges sont tombés ; vous l’auriez ? » « – Attendez. [rien sur Electre ni sur Librisoft ; concentration maximale]. Vous êtes sûre que c’est le bon titre ? non ? ce ne serait pas Mes étoiles on filé ? » « – Tout à fait ! »), qui ont besoin de paquets cadeaux, qui veulent le dernier exemplaire dans la vitrine. Il y a la queue à la caisse, c’est formidable, on se frotte les mains comme des petits écureuils gourmands.

Ensuite le ressac ; plus personne. Une impression de vide, comme une salle de concert après la fermeture de la buvette. La fête est finie et il n’y a plus que nous qui restons. On s’occupe, genre exercice de rédaction : qui écrit sa notule sur un petit carton orange et hop ! on colle sur le livre, qui écrit une critique sur le site, qui écrit un article pour le blog, genre ce que je fais actuellement. On peut aussi ranger, les déferlantes sont parfois dévastatrices, surtout dans le rayon jeunesse. Et puis nouvelle vague arrive.

Comme il n’y a pas de coefficient de consommation aussi fiable que les coefficients de marée, nous sommes toujours à la merci du hasard pour ce qui est de la régularité des vagues. Quant à l’amplitude, eh bien le mois de décembre est en général le mois des grandes marées. Le dernier samedi avant Noël a des airs de Tsunami humain. Tout ça pour vous dire que Noël approche, et qu’il est grand temps de préparer vos cadeaux. Avant que nous, surfeurs, pardon, libraires, soyons totalement lessivés…

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