Avis aux inventeurs : on attend toujours le génie qui nous inventera le cutteur-tire-bouchon ou la dérouleuse à papier cadeau qui lit les fax.
Après l’évocation du téléphone du libraire, je me suis dit qu’il était temps de vous présenter la panoplie du petit libraire, c’est-à-dire ses utiles et indispensables ustensiles de travail. Les accessoires du magicien, la trousse du chirurgien, la ceinture à outils du bricoleur … et le bordélique bureau du libraire.
Je ne reviendrai pas sur le téléphone, mais je m’appesantirai sur son siamois, le fax. On ne se moque pas, s’il vous plaît, et on s’incline devant cette relique du XXe siècle, le téléphone-fax (avec un fil qui tire-bouchonne pour relier le combiné et le cœur de la machine). Ce qui explique que quand on ne répond pas (voir article précédent), vous obteniez ce strident sifflet qui a le don de vous énerver, mais absolument pas de vous décourager. Remarquez que le sifflement, on y a droit aussi, une fois sur deux, quand enfin on se décide à répondre… Mais je sens bien que vous êtes sceptiques quand à l’utilité du fax. Certes nous récoltons encore quelques fax de Savemoneyreport, sérieux organisme qui vous promet ponts d’or et rivières de diamants, si on commence par mettre la main à la poche en leur versant un petit quelque chose sur leur compte aux Bermudes. Les autres arnaqueurs du même acabit préfèrent désormais vous envoyer des mails grotesques ; je tenais donc à saluer la ténacité de Savemoneyreport, qui se donne les moyens de ses ambitions. Mais hormis la correspondance régulière de cet honorable établissement, nous nous servons activement de notre télécopieur, nous autres libraires, en particulier avec nos chers distributeurs, pour tout ce qui concerne les litiges et autres réclamations, et avec nos transporteurs. C’est dit, le circuit du livre, c’est trop ringard, on n’a même pas d’Ipad qui permette d’un mouvement gracieux du poignet d’envoyer un mail, nous on préfère envoyer des fax de 8 pages illisibles pour une réclamation, et s’y reprendre à deux fois, tellement c’est plaisant de fixer les folios qui bouchonnent dans la machine. En plus c’est toujours le moment où le téléphone sonne, et qu’il y a un appel aux centres bancaires via le terminal de carte bleue, et que donc, il faudra s’y reprendre une troisième fois.
Nonobstant ces incuries, sachez cependant que le fax nous permet, paradoxalement, d’obtenir des livres plus vite que par dilicom (serveur genre internet qui balance les commandes aux distributeurs) ; certains distributeurs sont plus rapides dans leur traitement des commandes quand on leur envoie un fax. Parfaite illustration de la fable du lièvre et de la tortue.
Mais laissons ces technologies superfétatoires et revenons au cœur du métier, et au principal outil du libraire, son cutter. Le Jedi a son sabre laser, et le libraire son cutter. On passe son temps à courir derrière parce qu’on le perd tout le temps, il y en a trois ou quatre qui se baladent dans la librairie, et ça fait des trous au fond des poches. Et il n’est pas rare que nous ayons des stigmates, de décoratives et longues estafilades. Jamais encore ça ne s’est fini en bain de sang à la Romero, mais nous restons vigilants. Quel métier, quel sens du danger.
Quoi d’autre dans notre petite trousse à outils ? j’ajoute volontiers le scotch, les gommettes et le papier nécessaire à faire des emballages cadeaux. Bien sûr nous avons des pochettes cadeaux, qui permettent de tricher et d’emballer au plus vite la pile chancelante de cette grand-mère à la progéniture nombreuse ; mais on a développé un talent que le plus acharné des scouts nous envierait, à savoir une foudroyante vitesse d’emballement. J’aurais bien demandé un autre don à la fée qui s’est penchée sur mon berceau, mais il n’y avait plus que ça, et comme il y avait un fax en cadeau bonus, j’ai dit oui.