Mon petit préféré.
Pas de grande résolution pour cette année, mais une volonté farouche de continuer à aborder les problèmes de fond qui agitent le bocal de votre humble libraire. Je commence donc par un point absolument essentiel, les bandeaux. Vous savez, ces bandelettes de papier qui ornent la couverture d’un livre et dont l’inflation m’inquiète. A l’origine, j’imagine que l’objet du délit servait surtout à indiquer un prix littéraire, et la couleur choisie, le rouge sang, célébrait, après l’âpre lutte, cette glorieuse et stratégique victoire. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser inévitablement au label rouge du boucher d’à côté ; label qualité supérieure, élevé au grain et en plein air. La faute à la proximité de dates entre le salon du livre et le salon de l’agriculture ?
Notons que la chose a une évidente efficacité commerciale ; parfois un peu trop. Certains clients veulent impérativement le prix Goncourt, sans se préoccuper le moins du monde de la teneur de l’ouvrage, mais en exigeant un bandeau impeccable. La tentation est grande pour le vil commerçant de coller sur toutes les piles de la table littérature un bandeau Prix Goncourt.
Mais inutile de se fatiguer, les éditeurs ont pourvu à ce problème, et enrobent à tour de bras leur production. A se demander même pourquoi certains n’en ont pas. Je reste sceptique devant ces appendices de papier qui sont censés rehausser la maquette d’une couvrante d’une information pertinente, genre le nom de l’auteur ; j’aime bien ceux qui présentent une photo de l’auteur. Le mignon minois de cette jolie écrivaine est-il vraiment un argument littéraire ? Il y a les bandeaux qui se veulent accrocheurs, avec à l’appui citation(s) de critique(s) enthousiaste(s) ; dans cette catégorie je citerai volontiers le bandeau qui a orné Les Hauts de Hurlevent pendant un certain temps : « le livre préféré de Bella et Edward », à savoir l’incarnation de la passion amoureuse au XXIe siècle, le vampire et la donzelle de Twilight. Vu que cela a marché, et que dans le fond tout le monde est content (Emily dans sa tombe et les lectrices de Twilight qui découvre l’incarnation de la passion amoureuse au XIXe), je ne devrais pas me moquer. En plus c’est facile, avec les bandeaux. Tiens par exemple, il y a le légendaire bandeau « nouveauté » qui décore systématiquement les sorties en poche des romans d’Harlan Coben. On a une boîte avec les titres en poches de cet auteur qui ont systématiquement le bandeau « nouveauté ». Même les titres plus si nouveaux que ça. Et vous trouverez souvent au-dessus le dernier grand format paru, c’est-à-dire la dernière nouveauté. De quoi en faire hésiter plus d’un. Je me souviens aussi du bandeau « folio n°5000 », information qui méritait effectivement qu’on l’imprime en gros. Ou encore le bandeau « le livre aux 10 prix littéraires », qui joue l’épate, mais se garde bien de faire l’inventaire. Pire, le bandeau exhaustif, qui cite tous les prix reçus par l’auteur, et qui finit par ressembler à une tranche napolitaine : le livre prend l’aspect d’un poitrail de cacique militaire soviétique grande époque.
Et puis les bandeaux c’est bien joli, quand le livre est bien à plat sur une table, mais sinon, c’est fragile. Dans les cartons de transport, ça se froisse, en rayon ça se déchire, quand le livre est debout ça glisse, et quand il s’agit d’une bande dessinée en bac, ça finit en charpie dans la minute. Nombreux sont ceux finissent lacérés sur le champ de bataille de la librairie, confetti de table ou de bac, qui terminent lamentablement à la poubelle. Tant de marketing novateur gâché, ça me fend le cœur moi. A noter donc, l’apparition du bandeau en trompe-l’oeil, absorbé dans la maquette du livre. Merci l’évolution.