S comme… SOIREES

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Prochainement, Elvis chante les textes de Michel Houellebecq aux Buveurs d’encre. Accompagnement musical, Keith Richards (sous réserve).

Non content d’être lecteur, boutiquier et même comptable à ses heures, aujourd’hui le libraire se doit d’avoir aussi des talents de G.O. Puisqu’il lui faut proposer à sa clientèle des « événements », selon le terme consacré. C’est la priorité du jour, l’horizon indépassable du commerce culturel indépendant, sa fierté, sa raison d’être face à Amazon, son ADN.

Sans événements, vous passent sous le nez label LIR (équivalent de l’A.O.C pour la librairie indépendante), les sous du CNL (n’oubliez pas que nous sommes des pandas, donc on nous paie parfois une partie des bambous), la considération des éditeurs et de leurs représentants.

Donc, on organise autant qu’on peut. Dix à quinze fois dans l’année, la librairie vous propose de passer nous voir pour autre chose qu’acheter des livres (mais vous pouvez aussi acheter des livres, hein. Carte bleue acceptée).

La question, c’est « Que va-t-on bien pouvoir vous proposer ? » Parce que vous êtes insaisissables. Au bout de neuf ans de pratique, je ne suis pas tellement plus avancé sur ce qui est susceptible de vous faire venir. En gros, je sais que vous aimez la musique et que vous aimez danser. Les deux plus gros succès ont été enregistrés à l’occasion d’une soirée jazz en 2009, et plus récemment, en décembre dernier, pour une rencontre organisée avec Jacques Vassal, qui traduisait un ouvrage de John Lomax consacré aux racines du blues. 40 personnes pour assister à la présentation (même passionnante) du bouquin assez pointu d’un musicologue mort, agrémenté d’un petit concert de blues à la clef ; le traducteur et le libraire étaient tous deux très agréablement surpris par l’affluence.

En même temps, je ne peux pas vous proposer QUE des concerts ou soirées dansantes, sauf à ouvrir une succursale à Joinville-le-pont mais ce n’est pas d’actualité. C’est là où les choses se corsent, parce que finalement vous ne valez pas mieux que les parisiens (d’ailleurs vous êtes parisiens, ne niez pas). Avouons le, le parisien est un drôle de zèbre. Croisé en province (ok, en région, j’ai du mal à m’y faire) il la joue volontiers party animal, du genre à écumer les bars, les cinémas, les musées, les salles de concert jusqu’au bout de la nuit. La réalité est plus pépère, et j’introduirais volontiers une nuance. Le parisien est un noceur virtuel. Il aime bien avoir le choix et la possibilité de sortir. De ce point de vue, il est d’ailleurs comblé car hyper sollicité. Chaque soir, il a de multiples possibilités de sortie entre lesquelles ne pas choisir. C’est vertigineux tout ce qu’il pourrait faire s’il lui prenait l’envie de se bouger. Cela le paralyse, raison pour laquelle, peut-être, il a tendance rester chez lui.

En gros, pour en revenir à ce qui nous intéresse (à ce qui m’intéresse, moi, en tout cas) on arrive à ce paradoxe qu’avec une affiche équivalente, il est plus facile de remplir une librairie dans une préfecture qu’à la capitale. Interrogez n’importe quel éditeur, il vous le confirmera. Je ne doute pas que les comédiens, les musiciens, partagent le même avis.
Je ne juge pas, je constate. D’ailleurs, je suis mal placé pour vous faire des reproches. Perso, je pourrais facilement me faire trois soirées par semaine mais la plupart du temps je préfère rentrer jouer avec mon chat qui a pourtant des jeux super cons (son préféré : me faire monter et descendre les escaliers, et on recommence ; il a dû être adjudant dans une vie antérieure). Je suis parisien, ceci explique donc peut-être cela.

Mais bon, on ne se laisse pas décourager et on continue de vous proposer des trucs variés et je l’espère intéressants. Cette semaine, nous avons reçu David Vann, l’auteur de Sukkwan Island, prix Medicis, pas exactement un inconnu. On était entre 12 et 15 à l’écouter, ce qui n’est pas minable, mais pour un auteur de ce statut j’espérais un peu plus de monde. Les lecteurs et lectrices qui se sont déplacés ont pu profiter de l’auteur, lui causer librement, le toucher, boire des coups avec lui. Comme quoi, le côté confidentiel a aussi ses avantages. Ainsi, les gens qui sont venus étaient-ils très contents. Ceux qui ne sont pas venus aussi, notez bien. Parce que même si vous ne venez pas, vous aimez bien l’idée qu’il se passe des trucs en bas de chez vous et vous nous félicitez pour notre dynamisme. Ca fait chaud au cœur. En même temps, je me dis qu’on pourrait se contenter de faire l’annonce des soirées, ce ferait le même effet pour beaucoup moins de boulot. Mais c’est peut-être que je m’y prends mal pour communiquer, possible. Affichettes en vitrine, flyers en magasin, newsletters et même comble de la modernitude la page facebook (on en a deux, je n’ai pas trop réussi à comprendre pourquoi). Les retombées modestes du media en termes de participation ne sont pas tellement de nature à me réconcilier avec cet outil aussi chronophage qu’inutile. Essaie Twitter, me dis un copain comme il me conseillerait le dernier régime à la mode. Mais bof, j’y crois moyen. Je me dis que je vais plutôt mettre le paquet sur le buffet.

Tiens, cela me fait penser que la bouffe, c’est justement le thème de la prochaine soirée à venir, vendredi 4 octobre 2013. Ne reculant devant aucun sacrifice pour vous faire sortir de votre tanière, la librairie vous propose de vous initier à l’entomophagie. Ce n’est pas sale et vous pouvez amener votre conjoint.

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