A son retour du Vietnam, John Frazier tente d’oublier les horreurs dont il a été l’un des acteurs, en essayant sans succès d’écrire un roman à partir de son expérience vécue. En attendant, il vivote chez sa grand-mère, travaillant à temps partiel dans une station-service. C’est là qu’il croise par hasard celle qu’il appelle « ma tante », en réalité une cousine de sa grand-mère, qu’il connaît à peine. En acceptant de conduire cette tante à l’autre bout de la Californie pour rendre visite à une de ces anciennes voisines, Madame Takahashi, il va plonger dans un drame qui s’est déroulé 25 ans plus tôt. En 1945 le jeune soldat américain d’ascendance japonaise, Ray Takahashi, s’est évanoui dans la nature peu de temps après son retour d’Europe où il a pris part au conflit, sans jamais avoir repris contact avec sa famille.
Seule sa tante semble avoir des informations concernant Ray mais cette femme pétrie de certitudes et sûre de son bon droit semble peu désireuse de les partager. Pourquoi dès lors reprendre contact avec la mère du soldat ? Que s’est-il véritablement passé ? Le mystère qui entoure la disparition de Ray va obséder John Frazier qui n’obtiendra de véritables réponses que bien des années plus tard. Sur une trame assez classique, Christian Kieffer livre un roman bouleversant sur le destin d’un tout jeune homme qui voulut servir son pays pour tenter de laver une faute qui n’était pas la sienne. Avec ce roman, l’auteur s’attaque à un épisode peu glorieux de l’histoire contemporaine américaine, quand plusieurs centaines de milliers d’américains d’origine japonaise, assimilés à une sorte de cinquième colonne furent contraints d’abandonner leur maison, leur existence quotidienne et de se confiner dans des camps militaires jusqu’à la fin du conflit. Difficile de ne pas être touché par le destin de ce tout jeune homme, détruit par l’ingratitude de son pays, de ses voisins et victime de ses illusions. Un roman magnifique et puissant.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marina Boraso.
Albin Michel – 22,90€
