Un casque, une moustache, une masse : la mélodie du bonheur.
Si vous êtes client, vous avez remarqué qu’en face de la librairie le marché Sécrétan (une chouette halle Baltard, pour ceux qui ne sont pas clients) est en pleine rénovation. Depuis 2 ans. Et que l’immeuble qui fait l’angle de la rue de Meaux et de l’avenue Sécrétan est en réfection. Depuis 2 ans. Dans le top 3 de mes sujets de conversation de commerçant, le(s) chantier(s) est (sont) passé(s) devant la météo et les vacances. Je suis aux premières loges, car je n’ai qu’à glisser un regard au dessus du PC de la caisse, à couler une œillade par la vitrine, pour admirer l’avancement des travaux. Voir le ballet des nacelles et des pelleteuses. Contempler le spectacle de funambule des couvreurs. M’enthousiasmer pour l’érection d’une paroi de béton… bon je deviens lyrique et je m’égare, mais vous l’aurez compris, ce chantier a plus qu’un peu bouleversé notre petite vie tranquille.
Présentée comme l’arlésienne du quartier, la rénovation de la halle Sécrétan, c’est un peu le quitte ou double du coin. Je vous passe l’historique des appels d’offres, des consultations de riverains, des désistements d’investisseurs, des recours de commerçants du quartier pour empêcher les travaux… mais bon, le projet a fini par se faire : on garde la belle architecture, et on refait un lieu à vocation commerciale. Et hop, la tranquille rue de Meaux devient les Champs Elysées. Mais en attendant cet Eden commercial, on doit passer par la case travaux. Et il faut souffrir pour être belle, surtout quand on est centenaire et château-branlant. Je vous passe les diverses étapes de consolidation des sols, de décapage des structures, de remodelage de l’espace. Enfin vous pouvez passer et me brancher sur le sujet, je risque de redevenir lyrique.
Certes il faut tout de même admettre qu’un chantier dans le quartier, voire deux, peut présenter quelques nuisances. Un léger inconfort auditif (ah ! la symphonie wagnérienne des nombreux instruments du lieu…). Une petite couche de poussière qui se dépose quotidiennement. Une circulation routière chaotique dans tout le quartier (et l’on est au premier rang pour la sortie de camions, avec vue imprenable sur les vélos et voitures qui se prennent une rouste au passage). Et des passants qui ne passent plus dans la rue, parce que le slalom entre les bennes et les cabanes de chantier est moyennement distrayant. Normal que je me passionne pour le spectacle, si vous me laissez à mon triste sort. Et comme je n’aime pas vraiment rester seule dans mon coin, il a fallu que j’aille brasser les gars du chantier. Comme la fois où ils ont fait un trou dans mon joli mur en briques (mais oui, ils ont décapé des murs extérieurs et ont mis à jour des murs en briques avec un motif en losange,; je suis très lyrique aussi niveau brique) ; surtout qu’ensuite ils l’ont rebouché à l’identique, ce qui a eu le don de m’intriguer. Mais quand j’ai demandé au gars du chantier, j’ai senti qu’il était moins lyrique que moi, et qu’il était bien content qu’il ait une palissade entre lui et moi.
J’ai remarqué qu’on était nombreux à s’intéresser à la question ; il y a les contre (riverain horrifié par l’érection d’une paroi en parpaings qui se lance dans un splendide mailing anonyme et colérique), et les pour, l’association de quartier, qui suit l’avancement à la loupe, et surtout les 3-6 ans. Et voilà une vitrine toute trouvée, avec concours de dessin… et l’occasion d’aller rebrasser le chef de chantier pour avoir un casque de chantier pour le gagnant du concours. J’ai bien essayé de négocier une visite du chantier et un tour en nacelle, mais bon ma petite dame, un casque et des porte-clefs ce sera déjà bien. Et voilà comment je finis par faire la promotion d’une grosse boîte de bâtiment…
Mais bon toutes les bonnes choses ont une fin et la réouverture de la halle est prévue pour cette année. Adieu tractopelle, bétonnière, camion-benne… mais pour se consoler et faire un baroud d’honneur, il est tout de même question de refaire toute la voirie aux alentours. J’ai hâte.