Nahbès est une ville (imaginaire) du Maghreb qui va connaître en 1922 une invasion originale : un réalisateur hollywoodien, et sa suite, vient tourner La Fille du Cheikh. Le tournage en décor naturel est l’occasion pour les Américains de rencontrer les habitants de ce protectorat français : les colons blancs, administrateurs, propriétaires terriens, médecins, et les indigènes, notables associés au pouvoir, ou jeunes gens épris de révolte.
Nahbès, Paris, Berlin, Hollywood : la trajectoire de ce roman est pour le moins déroutante. Et quant aux personnages et les rapports qu’ils entretiennent, ils ménagent bien des surprises : Ganthier, colon nanti, qui a combattu en 14, est lié d’une indéfectible amitié à Raouf, fils du caïd, élève brillant et contestataire ; Rania, cousine de Raouf, jeune veuve émancipée et cultivée, est l’amie de Gabrielle Conti, journaliste indépendante et curieuse, qui va se lier avec Kathryn, star américaine dans toute sa splendeur. Et n’oublions pas mon préféré, Belkhodja, dont les discours et les déboires épicent singulièrement le récif. Hédi Kaddour parvient en effet à saisir une époque, une société, en pleine évolution, dans toute sa complexité, il constitue une ample fresque, mais la peuple de personnages piquants, et de scènes mémorables. Du grand roman très incarné.
Gallimard – 21€