Un auteur chilien inconnu en France, pas de presse, déjà trois mois en rayon et zéro pointé du côté des ventes… Un sang pareil au mien s’apprêtait à prendre un chemin hélas pareil à d’autres livres (le carton des retours, pour dire les choses crûment) quand – par curiosité et aussi parce que la photo de couverture est superbe – j’ai commencé la lecture du roman de Lazcano. Eh bien, ce bouquin m’a happé dès la première ligne, et mon intérêt ne s’est pas relâché tout au long des trois cent et quelques pages du roman.
Deux thèmes s’entrecroisent pour former la trame de ce récit original et ambitieux : celui de l’amour du cinéma hollywoodien des années 50 et 60 et celui de l’homosexualité. Les narrateurs et/ou personnages principaux appartiennent en effet à trois générations sacrifiées, les deux premières par l’impossibilité de vivre son homosexualité librement (le Chili des années 50, puis celui de Pinochet, ce n’est pas exactement le Marais), la troisième par le sida. On navigue des années 50 à 2001, de Santiago du Chili à New-York, au gré des changements de narrateurs, et sans se plier à une progression chronologique. Lazcano procède beaucoup par ellipses, sans que ce soit jamais gratuit ni affecté. Peu à peu, les pièces finissent par former un tableau cohérent qui prend tout son sens. A l’heure où pas mal de romans semblent écrits avant tout dans l’espoir d’être portés à l’écran, il est plaisant de constater que ce livre qui respire l’amour du cinéma ne sacrifie à aucune des figures imposées du « roman scénario » : narration linéaire, découpage scène par scène, caractères hyper tranchés, rebondissements, et j’en passe… Voilà qui je l’espère vous donnera envie d’ouvrir ce roman diablement attachant, à la fois saga grand public et livre d’auteur ambitieux et bien écrit.
Traduit de l’espagnol (Chili) par Janine Philipps et Renato Paveri
Autrement – 20 euros