Attention, méfiez-vous de votre teinturier ! Selon la fréquence de vos passages, des vêtements déposés, du temps mis pour les récupérer et surtout de tout ce que l’on oublie dans les poches, un teinturier, surtout s’il est attentif, observateur et consciencieux comme le héros de ce roman, peut deviner votre quotidien, vos habitudes, votre caractère…
Après une vie entière passée dans son pressing, Robert songe à la retraite, mais il ne cèdera pas son commerce à n’importe qui. Il accepte l’offre d’Akeel, un jeune pakistanais, mais en échange il le formera pendant un an. Une année pour lui apprendre le métier. En fait, Robert a surtout besoin de temps pour vider « la chambre des vies oubliées »… Il continue en effet une drôle de tâche instaurée par sa mère : il conserve dans une pièce tout ce que ses clients ont laissé dans leurs poches ; le tout classé, répertorié, rangé dans des dossiers !
A travers cet apprentissage, on découvre ces deux hommes que tout oppose (âge, origine, condition sociale) et qui vont petit à petit s’apprécier, ainsi que tous les habitués et voisins du pressing : une jeune fille au pair amoureuse de son employeur, deux SDF qui squattent un vieux canapé dans la rue, une vieille dame seule qui commence à perdre la tête, une infirmière généreuse et patiente…
Une belle histoire touchante et intéressante où se côtoient des dizaines de personnages très attachants, tous issus de Loughborough Junction, un quartier populaire du sud de Londres. A travers l’histoire d’un homme ordinaire, Stella Duffy réussit à merveille à nous rendre concrète la vie d’un quartier, d’une ville, à nous faire prendre conscience des tensions existant au sein des différentes communautés. Un roman choral qui donne envie de prendre l’Eurostar et de partir à Londres sur-le-champ.
Editions Grasset – 20 €
(traduit de l’anglais par Karine Laléchère)