Pendant l’été 1958, Annie Ernaux a 18 ans, et quitte pour quelques semaines son petit univers, scolaire et familial, où elle est sagement préservée, et étouffée. Elle va travailler dans une colonie de vacances dans l’Orne, fréquenter des hommes, et s’essayer au monde des adultes. Cette période aura des répercutions profondes dans les années qui suivent. Elle fait l’expérience de l’humiliation, de l’attente amoureuse et de la violence sexuelle. Annie Ernaux regarde, raconte et dialogue avec l’adolescente qu’elle a été, et met en lumière ce pan sombre de son parcours.
Avec cette écriture limpide, précise qui la caractérise, cette grande auteure évoque sa propre expérience, et son époque, mais touche à l’essentiel. Son histoire est celle de nombreuses filles, du XXe, du XXIe ou du XIXe siècle. La perte de l’innocence et la découverte du jeu social pervers sont dépeintes et scrutées en profondeur, avec des détails et des images qui donnent vie, mouvements, musiques, couleurs à ce décor et à ce personnage. Tout est simple, évident, et pourtant cette écriture a une ampleur inédite : elle se développe, gonfle, prend de la hauteur. Et en racontant l’intime, Annie Ernaux trouve l’universel.
Gallimard – 15€