Il y a cinq ans, Antonio Altarriba signait l’art de voler, un très bel album où il retraçait l’itinéraire personnel et politique de son père dans l’Espagne de la guerre civile puis des années franquistes. Un album dont sa mère était totalement absente. Avec L’aile brisée, il nous offre aujourd’hui, toujours avec Kim au dessin, ce qui constitue en quelque sorte l’autre face d’une même histoire, celle de la famille Altarriba mais également celle de l’Espagne.
Appelé au chevet de sa mère qui vit ses derniers instants, Altarriba apprend tout à fait incidemment de la bouche des docteurs que celle-ci souffre d’un handicap important, puisqu’elle ne peut tendre l’un de ses bras ni même le décoller du corps. Interrogée par son fils, Petra lui confirme qu’elle a souffert dans cet handicap « toute sa vie ». Fortement perturbé par cette découverte (comment a-t-il pu ne jamais remarquer quelque chose d’aussi évident ?) Altarriba va apprendre quel drame est à l’origine de cette « aile brisée » et écrire l’histoire de celle qui, toute sa vie, a existé d’abord pour les autres.. et traversera bien d’autres drames dans ces années difficiles. A travers ce portrait, Altarriba rend aussi hommage à une génération de femmes dont la vie fut corsetée par les hommes, l’Eglise et à qui le droit à l’éducation fut bien souvent dénié.
Si, contrairement à son mari, Petra ne remet pas en question l’ordre social de l’Espagne et ne s’engage dans aucun combat politique, si elle conserve jusqu’au bout foi et fidélité dans l’Eglise, elle n’est pourtant pas dénuée de convictions et elle saura ne jamais perdre son sens moral dans les moments importants, quand d’autres chercheront d’où vient le vent.
Un album magnifique et touchant pour ceux et celles qui ont aimé « L’art de voler ». On souhaite qu’il connaisse un pareil succès.
Et la version radio, c’est ici.
Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco
Denoël grafic – 23,50 euros