par Pascal J.
Le très beau livre de David Fauquemberg, « Manuel El Negro », est l’histoire d’un Gitan, ce qui veut dire Homme dans la langue rom, un Gitan, donc, qui vit et qui meurt pour le flamenco. C’est l’histoire d’un chanteur génial, racontée par le guitariste qui l’aura accompagné avec admiration toute sa vie et sera resté dans l’ombre, à l’arrière de la scène, toute sa vie. C’est aussi l’histoire de deux vies fracassées sur l’autel du flamenco, cet art de vivre et de mourir dans l’Andalousie des années 60.
Au delà de ces deux portraits, et aussi tant d’autres de héros du flamenco, la richesse de ce livre magnifique que l’on ne peut quitter avant d’avoir tourné la dernière page et d’avoir sombré avec les deux personnages principaux, réside dans le bonheur avec lequel l’auteur entremêle plusieurs thématiques puissantes : l’histoire du flamenco, ses héros et son peuple, depuis la pureté des nuits de musique dans les arrière-cours des faubourgs jusque à son abâtardissement dans la word music ; les rapports ambigus entre un génie qui détient la grâce de naissance et un artisan qui doit travailler jour après jour, l’ascension et la chute d’un artiste, la mise en parallèle de ces musiques qui, de part le monde, expriment la douleur d’un peuple et son génie tel le blues américain ou le tango argentin.
Ces thèmes sont mises en fusion par l’écriture de David Fauquemberg, une écriture qui devient chant flamenco en elle-même – on ne peut s’empêcher de marquer le rythme en lisant. Une écriture fine et simple qui emporte le lecteur vers la mort et qui porte en elle, au delà du flamenco, comme un brin de cette culture gitane, souvent ignorée ou méprisée.
Fayard – 20 euros