Imaginez un roman d’espionnage dont l’intrigue se déroulerait en coulisses et dont on ne nous raconterait rien ou presque. Un roman dont le personnage autour duquel se focalise l’action reste hors champ les deux tiers du roman. Et quand il apparaît, c’est pour rester mutique. De ses missions, il ne peut rien dire. Ni à Berta, sa femme, ni au lecteur. Le tout sur près de 600 pages. Il faut être un écrivain diablement talentueux pour se risquer à l’exercice et ne pas perdre ses lecteurs en route. Javier Marias réussit cette gageure. Ecrivain du clair obscur, Marias excelle dans ce roman de l’attente et de l’absence, où ce qui est tu est aussi important que ce qui est révélé. Un livre atypique, à l’atmosphère parfois inquiétante, aussi déconcertant qu’envoûtant.
Traduit de l’espagnol par Marie-Odile Fortier-Masek
Gallimard – 23 euros