Comme son nom ne l’indique pas, Carlo Gébler est irlandais, et c’est dans l’Irlande du milieu du 19ème siècle que nous emporte son roman. L’île sort à peine de la grande famine qui a fait des milliers de victimes et poussé d’innombrables fermiers à s’embarquer pour tenter leur chance aux Etats-Unis. Ceux qui restent ne peuvent plus ou ne veulent plus payer le droit de fermage annuel aux propriétaires.
C’est très exactement ce qui se passe sur le domaine où lequel Thomas French vient d’être engagé comme administrateur par la propriétaire, désespérée de voir son domaine s’en aller à vau-l’eau. Sa mission – faire partir les mauvais payeurs – est d’autant plus difficile à mener qu’une société secrète constituée de fermiers veille à dissuader quiconque de reprendre les terres prises aux fermiers spoliés, en ayant si besoin recours à la torture et aux meurtres. Ces comploteurs ont juré la perte de Thomas French, et pour cela, ont engagé deux tueurs. Voici pour le pitch…
L’écriture -alerte et simple- et la narrration linéaire rendent très prenante la lecture du roman, et Carlo Gébler dessine des personnages doués d’une vraie humanité, ce qui les rend attachants. Un petit bémol quand même, il me semble que le roman souffre d’un manque de réflexion politique et historique. Car si l’administrateur Thomas French est fondamentalement un type bien, il fait tout de même un ben sale boulot… et il le fait sans trop se poser de questions. Les « ribbonistes » ont des comportements de psychopathes, ce qui nous vaut d’ailleurs quelques belles pages. La réalité était-elle si tranchée ? Les rôles des bons et des méchants si bien répartis ? Sur un sujet très semblable, la culasse de l’enfer, magnifique roman de l’américain Tom Franklin, chroniqué jadis dans ces pages, nous offrait une vision beaucoup moins manichéenne. Reste que Comment tuer un homme est un très chouette livre, animé d’un grand souffle romanesque et qui devrait à n’en point douter recueillir un bon nombre de lecteurs enthousiastes.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Bruno Boudard
Phébus – 12 euros en poche.