Désinvolture et légéreté, humour et décalage : c’est pour cela qu’on aime Jean Echenoz, écrivain hyper talentueux et déconcertant. Après s’être intéressé à Maurice Ravel, Echenoz persiste, avec Zatopek, dans la voie de la biographie librement inspirée; je ne sais comment qualifier ce genre littéraire, à supposer qu’on soit tenu de le faire. Car Emile, ce n’est pas Emil, pas complètement en tout cas, mais Emil, je ne le connais pas, ou alors sur photos, quelques vieux extraits de film en noir et blanc, l’idole de mon grand-père peut-être. L’Emile de Jean Echenoz est bien vivant, et je me sens proche de lui. Anti Forest Gump, il traverse les périodes sans se désintéresser de la vie, qui ne se limite pas à la piste cendrée. Incarnation du working class hero, idole de la nation, il finira archiviste pour avoir refusé d’avaler toutes les couleuvres. J’ignore ce qui relève de la vérité historique, et ce que le récit doit à l’imagination d’Echenoz. Mais Emile est diablement vivant, et n’est-ce pas le plus important ? Un grand roman.
Editions de Minuit – 13,50 €