New Hampshire, années 60 : Eileen est une jeune femme profondément perturbée qui partage son temps entre la prison pour mineurs où elle travaille comme secrétaire et le taudis où elle vit avec son père, un ancien flic alcoolique et un père assurément toxique. Toxique, c’est d’ailleurs le mot qui caractérise le mieux l’ambiance de ce premier roman qui révèle un véritable talent.
Le tour de force d’Ottesa Moshfegh, c’est d’arriver à construire un récit haletant en s’appuyant sur un personnage au caractère extrêmement médiocre, et de faire de cette banalité même le moteur de l’intrigue. Instable et complexée, Eileen ne supporte son existence sinistre qu’en cultivant avec ses collègues une attitude qu’elle voudrait hautaine et supérieure. Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de bovaryser à tout va sur la personne d’un jeune gardien de prison à peine conscient de son existence. L’arrivée de Rebecca, jeune et élégante psychologue diplômée d’une grande université, va bouleverser la vie d’Eileen en lui donnant un nouveau point de focalisation et une nouvelle source de fantasme. D’autant que Rebecca semble donner des signes d’amitié à Eileen, qui voit en elle un modèle, une âme sœur et –pourquoi pas- la possibilité de fuir sa petite vie étriquée. Mais Rebecca est-elle vraiment le modèle d’assurance et de réussite qu’Eileen voit en elle ?
On l’a compris, Eileen est un roman extrêmement noir avec une vraie dimension de thriller, qui se situerait à la croisée des textes de Joyce Carol Oates et Stephen King. Références peut-être un peu écrasantes pour ce premier roman à l’atmosphère poisseuse qui n’est pas sans défauts mais dont on ne peut que recommander la lecture.
Traduit de l’anglais (E.U.A) par Françoise du Sorbier
Fayard – 20 euros