Dans la catégorie Sujets-qui-font-fuir, je vous propose le très grand âge : Roz Chast nous raconte les dernières années de ses parents, qui sont morts à 95 ans pour son père et 97 ans pour sa mère. Le thème est totalement tabou, au sein même de la famille de la dessinatrice, comme le montre le titre et la couverture, qui représente ses parents prononçant cette phrase : « est-ce qu’on ne pourrait pas parler d’autre chose ? ». On esquive le problème, mais nous y serons forcément confronter, pour nous ou nos proches. Et Roz Chast prend le taureau par les cornes, et va nous introduire dans le monde impitoyable de la dépendance.
Le récit est centré autour de ses deux parents, et elle, fille unique, tardive, d’un couple fusionnel, qui a résidé dans le même quartier de Brooklyn pendant… 70 ans. Elle décrit avec énormément de talent leurs relations, leur caractère, leur mythologie familiale, sous forme d’anecdotes. Et malgré la distance qu’elle avait mise entre elle et ses parents, l’âge venant, elle va devoir se rapprocher d’eux, les prendre en charge et les assister jusque dans la mort. Elle évoque le syndrome de glissement, lent mais irrémédiable, de la perte d’autonomie, des capacités physiques et intellectuelles. Elle décrit des situations extrêmes, le corps qui lâche, la dépression, la démence, et rien ne vous est épargné des soucis financiers ou des questions d’alimentation ; mais sa manière frontale de l’aborder, d’y introduire une bonne dose d’humour juif et d’humour noir, rend la lecture de cette bande dessinée émouvante et vivante. Elle mélange strips, textes, photos : son récit d’expérience très pragmatique est plein de profondeur pour raconter toutes les nuances de cette période complexe et faire un dernier portrait de sa mère et de son père.
Pour ceux qui n’ont pas froid aux oreilles, la version audio, réalisée pour le site boulevarddelabd.com !
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Marchand.
Gallimard BD – 25€