Le père d’Antonio Altarriba se suicide à l’âge de 90 ans, en se défenestrant, du dernier étage de l’hospice où il a vécu ses 15 dernières années. Par cet acte, il « libère » la parole de son fils qui décide alors de retracer son histoire; un parcours riche et qui épouse l’Histoire de l’Espagne et celle de notre siècle.
L’art de voler est le témoignage d’amour, simple et émouvant, d’un fils pour son père en même temps qu’un document historique passionnant, retraçant les pérégrinations d’un homme ordinaire dans des circonstances exceptionnelles. On y retrace, entre autre, les conditions pas franchement glorieuses de l’accueil des réfugiés espagnols en France, en 37/38 (un épisode totalement absent de nos livres d’Histoire, à moins que ça ait beaucoup changé récemment).
On dit que l’Histoire est écrite par les vainqueurs, et ce n’est pas la moindre des qualités de cet album que de donner la parole à un perdant, un vrai, un beau, sur toute la ligne, et qui pourtant n’a jamais renié ses idéaux. Ce qui n’est pas le cas de tous ses anciens camarades, les plus rouges et les plus révolutionnaires devenant parfois les serviteurs les plus zélés du nouveau pouvoir et du Dieu Pognon. C’est vrai qu’on a connu cela de l’autre côté des Pyrénées aussi, et dans pas mal d’autres endroits. Raison de plus pour rendre hommage à Altarriba senior, ado révolté, adulte courageux, viellard qui refuse d’abdiquer sa dignité.
Un très bel album, sacré meilleur roman graphique de l’année en Espagne. On lui souhaite le même succès chez nous.
Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco
Denoël Graphic – 23,50 euros