# La longue marche de Léa

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Lorsque je suis arrivée à Paris, en septembre en tant que bébé libraire, je pensais faire un séjour formateur mais pas un parcours du combattant! Je me suis jetée à l’eau en changeant de région mais je n’imaginais pas être autant bousculée. 

Je suis née dans le Beaujolais (Rhône), au milieu des vignes, dans une charmante et douce région viticole. J’ai grandi près des prés remplis de vaches, au bord de la Saône, une vie rythmée par les passages des péniches sur la rivière et les ballades dans les forêts. 

Vivre dans un village comme le mien et comme ceux qui le bordent c’est tout faire en voiture, en vélo ou à pied car à St Georges de Reneins, où j’ai vécu, le bus ne passe qu’une fois par heure, et dans d’autres il n’y a que le ramassage scolaire. Autant vous dire que le week-end pour voir les copains, il valait mieux brosser nos parents dans le sens du poil pour qu’ils nous y emmènent. 

Un livre que j’ai lu il y a quelques semaines m’a rappelé ces souvenirs, Les grandes villes n’existent pas de Céline Coulon paru au Seuil et maintenant en poche chez Points. Elle décrit la vie à la campagne avec un regard intérieur avisé et bienveillant.

Moi aussi fille de la campagne assumée, jamais je n’aurais imaginé faire mon apprentissage dans la capitale. Mais après certaines rencontres et changements de voie, que je vous épargnerai, je me suis dit « pourquoi ne pas voir les choses en grand pour apprendre le métier de libraire ? Et en très grand tant qu’à faire ? » Parce que, pour moi et mon entourage, Paris c’est XXL. Paris ça vole, ça swingue, ça pulse à 100 km/h. Je pense à la phrase d’Ernest Hemingway : « si vous avez eu la chance d’avoir vécu à Paris lorsque vous étiez jeune homme [fonctionne aussi pour une jeune femme si, si, je vous jure], alors où que vous alliez pour le reste de votre vie, elle reste avec vous, Paris est une fête. »

C’est parti pour la fête alors ! Bon avant il a fallu préparer le terrain et trouver un appartement qui ne nécessite pas de vendre un organe pour pouvoir y vivre, mais presque! Ce n’est pas simple mais là je ne vous apprends rien. 

Et puis je suis arrivée aux Buveurs d’encre, parce qu’on a bien voulu de moi, la fête a alors pu commencer parce que j’ai déjà beaucoup appris du métier et que c’est toujours avec plaisir que je démarre la journée (et là je sens qu’on va me traiter de lèche-botte mais j’assume mes propos). L’ambiance commence dès le matin avec la ligne 13 qui me mène de St Ouen à la librairie dans le 19e. La ligne 13 bondée à toute heure, une odeur d’aisselles bien installée et sourires radieux des parisiens ratatinés, une vraie boîte de nuit ! 

Un jour, j’ai eu le malheur d’espérer de toutes mes forces que ce satané métro se vide un peu. Mes désirs ont été exhaussés puisque quelques temps après Paris passe au ralenti. Pour être vide, elle est vide cette ligne 13, grèse des transports oblige. 

Selon Citymapper, je me trouve à 1h15 à pied de la librairie, ayant conscience d’être un danger public en vélo, je choisis la première solution. La marche à pied, quelle belle occasion de se muscler les fesses ! 

Finalement, je suis bien loin du Paris bouillonnant que j’imaginais, avec les bus comme unique moyen de transport valable, on dirait que la ville a décidé de rendre ma transition entre vie rurale et vie urbaine plus tendre.

Quelques semaines plus tard les métros reprennent, après un Noël rythmé et très formateur à la librairie, retour au calme.

Sauf que certains bruits sur une pandémie mondiale nous arrivent aux oreilles. Samedi 16 mars, après l’annonce de la fermeture des établissements scolaires quelques jours plus tôt, de nombreux parents viennent chercher des coloriages, jeux, puzzles à la librairie pour occuper les enfants. Les gens font des réserves et j’avoue que sur le moment j’ai été surprise par l’ampleur que les choses prenaient.  Avec du recul, j’aurais dû faire de même…

Ce soir-là, un week-end entre amis prévu depuis longtemps m’attend. Je prends alors le TGV pour me rendre à Lyon puis à Lamure sur Azergues. Ça ne vous dit rien ?  Il s’agit d’un village de 15,61 km2 de 1050 habitants, qui se trouve au cœur de la Vallée d’Azergues. Il n’y a pas endroit plus paisible, plus vert et plus calme que ce village entouré de vaches et de moutons. La vue que nous offre la terrasse de la maison dans laquelle nous résidons est merveilleuse. Enfin revenons à nos moutons justement. En sortant de la libraire ce fameux samedi soir et dans ce TGV je ne pense pas apprendre que tous les commerces « non nécessaires » doivent fermer … le soir même!

Je vais donc probablement devoir rester dans ma région d’enfance pour un certain temps et (je ne dois pas être la seule) je n’ai pas du tout prévu cette tournure des évènements.  Ma valise est presque vide, je n‘ai apporté que trois livres pour mon week-end (que trois livres ?? Mais quel genre de libraire suis-je ?). 

Je suis donc seulement munie de Sorcières de Mona Chollet et de deux romans : une nouveauté Toutes les histoires d’amour ont été racontées sauf une de Tonino Benacquista et Liberté dans la montagne de Marc Graciano des éditions Corti. Ça ne suffira jamais et encore je ne savais pas encore pour le confinement minimum de 2 semaines …

Et là je commence à stresser, d’abord parce que la librairie va fermer, mais aussi parce que je me demande bien ce que je vais me mettre sous la dent (ou plutôt sous les yeux) si tous mes précieux livres se trouvent dans mon appartement audonien. Parce que oui, la question qui me turlupine, quand vais-je rentrer à Paris ?

Après de longues discussions avec mon colocataire qui se trouve être aussi mon amoureux, lui aussi né dans le département du Rhône, nous décidons qu’il vaut mieux rester chez nos parents car l’annonce du confinement est pour bientôt et être en famille même pour un moment c’est cocooning et c’est toujours agréable (bon peut-être pas pour une durée trop longue non plus). 

A peine de retour chez mon père, je pars à la recherche de livres qui me tiendront compagnie. J’ai eu de belles surprises, surtout parce que j’ai retrouvé de nombreux livres que je m’étais offerts et que je n’avais jamais eu le temps de lire comme Secrets et passions de Stefan Zweig et Double Nationalité de Nina Yargekov. Nos retrouvailles ont été très émouvantes !

Dans le grenier j’ai retrouvé des classiques, mais aussi des ouvrages que j’ai, j’ai honte de le dire, commencé à lire pendant mes études de lettres modernes sans jamais les finir. C’est le cas de La vie mode d’emploi de Georges Perec (ne me jugez pas). 

Bon je vais vous laisser car pour une personne qui paniquait à l’idée de n’avoir rien à lire, ma liste ne fait que de s’agrandir et je veux tout lire ! Et puis je vous ai suffisamment raconté ma vie, vous avez pu constater que mes premiers pas dans la vie parisienne sont, disons … atypiques !

Sur ce, bon confinement à tous !

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