L’avis de Thomas : Ok, Le Pied mécanique, ce n’est pas le titre de l’année (traducteur en vacances, éditeur décideur ?), et la 4e de couv’ est du même acabit. Tant pis, j’y vais, et sur les premières pages, je rame comme un fou avec cette histoire abracadabrante de marcheur contraint et forcené. Et puis je finis par piger : ce qui est intéressant, c’est justement ça, la séparation du corps et de l’esprit vécue comme une véritable dislocation par Tim, un talentueux avocat new-yorkais, sans que jamais l’on puisse nommer le mal qui l’habite – d’ailleurs, le titre original, The Unnamed, est beaucoup plus révélateur et adéquat, mais bon, j’arrête avec cette histoire de titre. Tim Farnsworth est atteint de formes graves de schizophrénie et paranoïa qui le poussent à envoyer balader toute sa vie : sa situation enviable, sa femme, sa fille, ses biens matériels. Jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la perte de conscience et l’oubli temporaire, il marche. C’est d’ailleurs au prix de l’acceptation de sa maladie et de ses conséquences qu’il parviendra à une forme de lucidité quant à son rejet de tous les codes sociaux qui régissent la vie d’un honnête bourgeois américain. Une écriture au plus près de l’humain et de la réalité permet à Joshua Ferris de retranscrire le questionnement perpétuel de Tim Farnsworth jusqu’à l’apaisement dans la folie.
Traduit de l’anglais par Dominique Defert
Lattès – 22 €