Paul Edwin Cole s’est pris un vilain coup sur la tête, dans une situation embarrassante : comédien en tournée dans une petite ville, il est surpris en pleine action avec une femme mariée par l’époux légitime. Quelques jours de coma plus tard, il se réveille, mais souffre d’amnésie. A peine sorti de l’hôpital, le sheriff local l’invite à quitter la ville vite fait. Nous sommes dans les années 60, et Paul, avec quelques dollars en poche, échoue dans une autre petite ville, où il espère rassembler assez d’argent pour gagner New York, car les quelques indices qu’il recueille sur son histoire indiquent cette direction. Sauf que la mémoire de Paul qui a perdu le souvenir de son passé lointain ne retient plus son passé proche : il est piégé dans un présent nébuleux, et angoissant.
Cet inédit de Donald Westlake est surprenant à plus d’un titre : loin d’être dans la veine humouritique de la géniale série Dortmunder, il est plus proche de ses romans noirs, comme Le Couperet. Roman noir, ou plutôt mélancolique : Paul s’est perdu, se perd chaque jour. Sa mémoire-passoire est une blessure terrible, qui le transforme en automate, incapable de renouer avec son passé ou de se lier dans le présent. Lorsqu’il parviendra à retrouver des gens qu’il a connus par le passé, le malaise du personnage s’accentuera devant son impuissance à reprendre son existence d’autrefois ; mais libéré du passé il ne peut s’inscrire dans le présent, ou devenir quelqu’un d’autre. Un roman existentiel désenchanté et déroutant.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Gérard de Chergé.
Rivages – 22 €