Les jeunes, y’en a des bien…
Si on croit Wikipedia, la Génération Y désigne les personnes nées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. Les rejetons de la fameuse Génération X donc, elle-même queue de comète des mythiques baby boomers (*). On parle aussi de Net génération, d’E-generation et même de “digital natives” quand on veut faire le malin.
Pour nous ce sera la Generation Y, vu que cela m’arrange, abécédairement parlant. Car c’est bien joli de se donner des contraintes, mais n’est pas Georges Perec qui veut. La génération Y, donc, c’est les 15-30 ans. Déjà, cela commence mal pour eux parce que 15/30 ans, laissez-moi rire, c’est n’importe quoi. N’importe quel chef de produit, pubeux ou statisticien vous le dira. Par contre, demandez-moi du 15/24 ans, du 25/34 et vous aurez du tableau et de l’info chiffrée au kilo…
Le Ministère de la culture et de la Communication, qui est une maison sérieuse et a commandité l’étude intitulée « Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique » (**) ne s’y trompe pas, d’ailleurs. Et c’est ainsi qu’elle segmente la population qui nous intéresse (la Génération Y, si vous ne faites pas un effort, on y arrivera pas). D’un côté les Vrais Jeunes, de l’autre, les Déjà Moins Frais. On va dédaigner ces faux jeunes et surtout s’intéresser aux premiers, qui sont l’Avenir de la Nation, le Sang Neuf de la France et plus prosaïquement l’assurance de nos futures retraites. Or, qu’apprend-t-on, à la lecture de cette fameuse enquête ?
Eh bien, on y lit avec horreur que ces petits scorpions sont moyennement décidés à entrer dans la carrière (de lecteurs) quand leurs aînés n’y seront plus. Les 15-24 ans ne lisent plus, ma pauvre dame, et ce n’est pas moi qui le dit, mais le graphique 35, page 142.
Ainsi, 22% de ces grosses feignasses n’ont pas ouvert le moindre bouquin dans l’année, même en comptant les Naruto et les Spirou (ils étaient 17% dans ce cas en 1997). Ils sont 15 % à avoir lu au moins 20 bouquins (soit un quart de moins qu’en 1997). Pas si mal, pensez-vous ? Sauf que ce chiffre englobe aussi les lectures obligatoires. Vous savez, les trucs prise de tête que demande la prof de français, la dingue qui leur fait lire des trucs d’au moins 80 pages. Et puis aussi les mangas et les BD. Or, c’est la lecture préférée de 35% des 15-19 ans et de 18% des 19-24 ans. Je lis, j’apprécie les bd et mangas et je place Hergé au dessus de disons, Dumas, dans mon panthéon personnel.. N’empêche qu’en général c’est lu plus vite.
Après, comme d’habitude avec les enquêtes et avec les chiffres, on peut leur faire dire n’importe quoi, et faire le coup de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Les optimistes verront dans le rapport des raisons d’espérer, arguant que ce n’est point tant une régression de la lecture qu’on pointe, qu’un changement des pratiques. Sûr que la vingtaine d’heures passée sur l’internet, c’est aussi de la lecture. Mais bon, repeindre la salle de bains, c’est aussi de la peinture, et cela ne viendrait à personne de comptabiliser ce temps en loisirs créatifs (et pourquoi pas, après tout).
Les pessimistes retiendront surtout cette conclusion de l’enquête, qui précise sobrement que « la culture légitime voit sa validité et la pérennité de son périmètre vaciller » (avant-propos, page 8 ou 9). En d’autres termes, aujourd’hui ça craint plus trop de ne pas lire, rapport au fait qu’avec wikipedia, tu copies-colles en 30 secondes alors pourquoi tu t’emmerderais à lire un truc qui te tombe des mains ?
L’étude est riche d’enseignements du même genre, et je n’ai malheureusement pas le temps qu’il faudrait pour les dénicher, avec une mauvaise foi qui ne m’honore pas. Mais cela n’est pas très grave, puisque figurez-vous que vous pouvez télécharger l’intégralité de l’enquête pour pas un rond en cliquant sur www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr. A l’attention des grabataires et autres baby-boomers, je précise que le livre papier, cette délicieuse vieille chose, est disponible dans leur librairie préférée.
(*) les vioques, en d’autres termes
(**) Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique – Olivier Donnat – éditions La Découverte, octobre 2009. 20 euros